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Pierre Claude PAULMIER, tué à la bataille de Granville en 1793 (Dernière partie)

  • Photo du rédacteur: Régis COUDRET
    Régis COUDRET
  • 25 avr.
  • 17 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 4 jours

La bataille de Granville, par Jean-François Hue – 1800  (source : Wikimanche)
La bataille de Granville, par Jean-François Hue – 1800 (source : Wikimanche)

Préambule


En Mai 1793, Pierre Claude PAULMIER repartit en guerre contre les Vendéens. Le 26, il écrit depuis Saint Georges sur Loire à sa sœur Charlotte Aimée « Me voilà derechef enrôlé sous les drapeaux de Mars. ». Pierre Claude sert toujours dans la Garde nationale mais on sent qu'il fatigue : « tout mon regret est de me voir si avancé en âge [...] j’espère que nous serons relevés sous huit jours par des troupes qui brûlent du désir de se mesurer avec les brigands ». Mais surtout, Pierre Claude se fait du souci pour deux de ses proches, arrêtés en Mars par les Municipaux d’Angers : « Mande-moi de tous ceux qui m’intéressent, principalement des deux détenus. […] Je t’avouerai que j’ai quitté la ville avec regret, parce que j’aurais pu aider à accélérer la délivrance de nos parents communs. J’attends de la justice des Municipaux d’embrasser mon oncle à mon retour à Angers ».


« Arrêtés comme suspects »


Supplique adressée par Marie BRUNEAU de MOLANCE aux administrateurs du département de Maine-et-Loire – Annotation signée par Aimé COURAUDIN (source : AD Maine-et-Loire)
Supplique adressée par Marie BRUNEAU de MOLANCE aux administrateurs du département de Maine-et-Loire – Annotation signée par Aimé COURAUDIN (source : AD Maine-et-Loire)

Son oncle Claude Louis Charles PAULMIER, avait en effet été arrêté le 17 Mars 1793, alors qu’on lui avait demandé d'aller monter la garde au château d'Angers. Son fils aîné, Charles René, fut arrêté le même jour. Tous deux furent internés « à la maison du Petit Séminaire » à Angers, « sans sujet, ni cause » apparente. Trois semaines plus tard, la belle-sœur de Claude Louis, Marie Renée BRUNEAU de MOLANCE [1] , ne connaissant toujours pas les motifs de leur arrestation, adressa une supplique aux « Citoyens administrateurs du département de Maine-et-Loire » : « … [je] vous supplie instamment de vouloir bien les faire élargir et leur donner la liberté… », arguant qu’ils ont « exactement suivis les lois portées par le Constitution, qu’ils n’ont rien dit, ni rien fait, [etc…] ». Sa lettre s’adressait plus particulièrement à un des membres du Comité de surveillance du département : le Président du tribunal du district d’Angers Aimé COURAUDIN. « Le citoyen Aimé Couraudin, dit de La Noue ». était ce cousin issu de germain de Claude Louis dont nous avons parlé précédemment. Il était par ailleurs un membre reconnu de la Société populaire qui regroupait les Girondins d'Angers.

Réponse du Conseil Général de la Commune d’Angers aux administrateurs du département de Maine-et-Loire (source : AD Maine-et-Loire)
Réponse du Conseil Général de la Commune d’Angers aux administrateurs du département de Maine-et-Loire (source : AD Maine-et-Loire)

Le 6 Avril, Alors que Pierre Claude était en train de batailler contre les « brigands », du côté de Nantes, ledit Comité fit passer la « pétition » de Marie Renée à la Municipalité d’Angers pour obtenir « ses observations et renseignements ». COURAUDIN signa. Deux jours plus tard, le Conseil Général de la Commune déclara laconiquement que « Messieurs Paulmier père et fils ont été arrêtés comme suspects, ce par mesure de sureté générale. »

En Mars 1793, Claude Louis qui avait été membre de la Municipalité d’Angers jusqu'à la fin de 1790, n'avait plus de fonction particulière dans les instances révolutionnaires du Département, ni de la Commune. Alors qu'il avait été « Lieutenant à l’Election d’Angers », Claude Louis se contentait de la Direction du Mont de Piété d’Angers pour exister socialement. Comment expliquer ce retrait de la chose publique ? Comme Aimé COURAUDIN, Claude Louis avait sûrement adhéré aux idées de liberté qui fédérèrent tous les courants révolutionnaires jusqu'à ce que l'Assemblée nationale Constituante vote la Constitution civile du clergé. Mais Claude Louis était avant tout catholique. Il devait être un de ces modérés qui prirent leurs distances avec la Révolution, lorsque le pape déclara en Avril 1791 la dite Constitution « hérétique et schismatique ». A partir d'Août 1792, alors que la situation se radicalisait dans l’Ouest, après la destitution du Roi et la déportation des prêtres réfractaires, lui et son fils exprimèrent ils des opinions contre-révolutionnaires ? Nous allons voir que Claude Louis s'exposa encore plus à la fin du Printemps 1793, au point d'être pris pour un « Blanc ». Entre temps, les évènements politiques se précipitèrent à Paris.


« la chute des Girondins »


Le 6 Avril 1793, la Convention, sous l’égide de Georges Jacques DANTON, créa un Comité de salut public, composé de douze membres. Ce Comité était chargé de contrôler les fonctions des organes législatifs, exécutifs et administratifs. A coups de décrets, la France entière fut bientôt sous sa main. « Un des premiers soins [de ce comité - ndla] ... fut de diminuer la puissance des administrations départementales, … réduites à ne plus s’occuper que [… ] de la surveillance des routes et des canaux » [2].

Triomphe de Marat , d'après une gravure anonyme de 1793 (source  Bibliothèque du Congrès)
Triomphe de Marat , d'après un Anonyme de 1793 (source : Bibliothèque du Congrès)

Aucun Girondin ne reçut de siège dans ce Comité. Se sentant mis en minorité dans toutes les décisions, la Convention Girondine commit alors l’erreur de faire arrêter le Montagnard qui les provoquait le plus : le journaliste Jean Paul MARAT. Ils accusèrent « l’ami du peuple » d’inciter à la violence de façon illégale dans ses pamphlets. Le 24 Avril, MARAT fut acquitté et surtout porté en triomphe par la foule de parisiens venus à son procès. Dès lors, l’opinion publique se retourna définitivement contre les Girondins. Il ne restait plus qu’à trouver des motifs pour les faire tomber.

« Le dimanche 2 Juin au matin, la sonnerie du tocsin de Paris donna le signal de l'action aux sans-culottes de la ville. … Plus de 80 000 Parisiens, dont beaucoup étaient armés, encerclèrent le palais des Tuileries, où se réunissait la Convention ». 29 Girondins qui y siégeaient furent mis en état d’arrestation et accusé d'avoir fomenté un complot. Ce fut la chute des Girondins de Paris, bientôt suivis par leurs collègues de Province. Débarrassé de ses rivaux, Le Comité de salut public Montagnard réfléchit alors aux moyens les plus radicaux pour contrer les ennemis de la République, notamment dans l’Ouest de la France insurgé. Ce fut le début de la Terreur.

Arrestation des girondins le 2 Juin 1793, d'après un Anonyme (source : Rijks museum)
Arrestation des girondins le 2 Juin 1793, d'après un Anonyme (source : Rijks museum)

La loi des Suspects


Le 26 Mai 1793, Pierre Claude PAULMIER n’en savait toujours pas plus sur le sort de ses deux parents. Avant de repartir combattre les Vendéens qui se faisaient de plus en plus pressants autour d’Angers, il avait rencontré Aimé COURAUDIN, qu'il continue d'appeler LA NOUE dans son courrier : « Le jour de mon départ pour Saint Georges, je rencontrais le citoyen La Noue qui me dit qu’il s’employait avec ardeur à leur délivrance. » Mais quels pouvoirs Aimé COURAUDIN, alors Président du tribunal du district d’Angers, détenait il encore ?

Certes, Aimé était encore notable dans la Municipalité mais Charles BERGER, le nouveau Maire [3] et ses adjoints recevaient déjà leurs ordres de deux Commissaires politiques ou Représentants du peuple, dépêchés par le Comité de Salut public [4]. A Angers, le premier Commissaire, encore appelé Représentant du peuple, était René Pierre CHOUDIEU. Le chef des Volontaires d’Anjou de 1789 était devenu député du Maine-et-Loire à la Convention et siégeait alors sur les bancs de la Montagne [5]. Aimé COURAUDIN, était passé à la Tribune de la Convention juste avant la chute des Girondins. Il était venu porter une pétition de la ville d'Angers, mettant en cause des Montagnards angevins. CHOUDIEU qui était peut-être alors au palais des Tuileries, allait bientôt s'en souvenir. Il porta son ancien collègue au Présidial d’Angers, sur la liste des suspects.

Le Comité révolutionnaire angevin, constitué en Juillet par CHOUDIEU et consorts, attendit la loi des Suspects du 17 Septembre 1793, pour accuser ouvertement Aimé COURAUDIN d’être un fédéraliste [6]. Il fut alors incarcéré le 9 Septembre au château d’Angers, puis au château d’Amboise, avec 4 autres notables angevins. Les prévenus furent envoyés devant le Tribunal révolutionnaire de Paris où l'accusateur public Antoine FOUQUIER-TINVILLE instruisit leur procès. Le citoyen Aimé COURAUDIN, fut condamné à mort le 29 Germinal An II [7] en raison de sa signature d’une pétition dirigée contre les Montagnards. Il fut guillotiné à la barrière du Trône à Paris le lendemain.

Comme on peut le constater, la démarche de Pierre Claude auprès d'Aimé COURAUDIN quelques mois auparavant, avait peu de chances d'aboutir.

Derniers moments des Girondins le 31 octobre 1793 par Karl von Piloty (source Wikipedia)
Derniers moments des Girondins de Paris le 31 octobre 1793 par Karl von Piloty (source Wikipedia)

« La fille Molancé »


Emplacement de la maison de Guinefolle sur plan cadastral de 1844 (AM Angers 1 Fi 844)
Emplacement de la maison de Guinefolle sur plan cadastral de 1844 (AM Angers 1 Fi 844)

De toute façon, avec ou sans l'aide du Girondin, Pierre Claude ne put bientôt plus rien faire pour son oncle. Le 30 Mai 1793, à Angers, un prêtre réfractaire, du nom de René MENARD, avait été arrêté dans une maison de « la rue de Guinefolle » [8] à Angers. Il fut détenu au château. Ce vicaire de Martigné-Briant s’était soustrait à la déportation des prêtres de l’été 1792. Depuis le mois de Janvier 1793, il se cachait dans une chambre normalement occupée par une dénommée GOHIER. Celle-ci était locataire de la « ci-devant Bruneau de Molancé ». Le juge qui entendit le prêtre, n’eut pas de mal à établir qu’il avait d’abord vécu clandestinement toute la fin de l’année 1792 dans une autre maison, également propriété de Claude Charles BRUNEAU de MOLANCE, décédé en Août. Le juge demanda au prêtre [9] : « Qui vous a donné permission de rester dans la maison de Molancé depuis l’époque de son décès…? » Il répondit : « J’y suis resté du consentement de la fille Molancé. » Il s’agissait de la belle-sœur de Claude Louis Charles PAULMIER. A la question suivante : « Le citoyen Paulmier avait-il connaissance de votre retraite dans la maison de sa sœur ? René MENARD répondit : « Il en avait connaissance du vivant de son beau-frère ». Le motif commençait à être daté. Etait-il néanmoins suffisant pour inculper officiellement Claude Louis de complicité « dans le recel d’un prêtre insermenté » [10] ? On se contenta de le maintenir en prison au Petit Séminaire avec son fils, en attendant de statuer. Quant à « la Molancé », je ne sais pas si elle fut alors arrêtée, jugée et condamnée, si elle se cacha à son tour ou si elle réussit à se mettre bientôt sous la protection de l’Armée catholique et royale.

En effet, quelques jours seulement après l’interrogatoire du vicaire de Martigné-Briant, le 11 Juin, « toutes les autorités d’Angers s’enfuirent dans un désordre indescriptible, en apprenant les succès remportés à Saumur par les Vendéens » [11] Les habitants d’Angers nommèrent alors un Comité municipal le 13, dont le Maire provisoire fut Jean Guillaume de la PLANCHE, ancien membre de l’Assemblée Constituante [12]. Les habitants d'Angers esseulés, attendaient de ce Comité qu'ils maintiennent l’ordre en ville. On transféra les prisonniers du château au Mans [13], mais ceux d’autres prisons, comme au Petit Séminaire, furent maintenus à Angers.


« Au nom de Louis XVII »


Claude Louis PAULMIER, membre du Conseil provisoire d'Angers du 24 Juin 1793 (source : l'Anjou Historique)
Claude Louis PAULMIER, membre du Conseil provisoire d'Angers du 24 Juin 1793 (source : l'Anjou Historique)

Les Vendéens commandés par d'ELBEE et STOFFLET entrèrent dans la ville d'Angers le 18 Juin 1793. Ils ne restèrent pas longtemps, n'ayant pas les moyens de se maintenir dans une ville de cette taille. Mais ils libérèrent les prisonniers présumés contre-révolutionnaires et « Le 24 Juin 1793, veille de leur départ pour Nantes, les chefs de l’Armée catholique et royale nommèrent un conseil provisoire qui, au nom de Louis XVII, devait administrer la ville… » Ils laissèrent à la tête de ce troisième Conseil en un mois, Guillaume de la PLANCHE, redevenu pour l’heure Comte de RUILLE. Ils lui remirent une liste de 40 membres pour siéger. « Paulmier père ». apparaissait sur cette liste.

Le Conseil provisoire ne siégea pas longtemps. Le 4 Juillet, une avant-garde républicaine reprenait la ville et la Municipalité originelle reprenait ses fonctions. Les représentants du peuple, dont René Pierre CHOUDIEU, avaient attendu à Tours que l’orage passe. Dès leur retour, ils firent arrêter un peu plus de 1 500 personnes en plus des prisonniers libérés par les Vendéens. Certains prévenus avaient bien sûr profité de la trêve offerte par les Blancs pour fuir. Les autres comparurent bientôt devant des Commissions militaires. Guillaume de la PLANCHE tenta bien de justifier l’existence du Conseil provisoire qu’il avait présidé et d'en défendre ses membres. Mais les juges estimèrent sans doute que certains n’avaient pas eu de mal à arborer « la cocarde blanche » pendant l’occupation éphémère des Royalistes.

Claude Louis Charles PAULMIER et son fils retournèrent en prison. Louis Charles croupit à Angers jusqu’en Décembre 1793, date à laquelle il fut transféré à la prison de Doué la Fontaine [14] . Dans l'attente d'un procès, il mourut en prison dans la misère la plus totale et loin de sa famille, le 1er Janvier 1794. Quant à son fils Charles René, il fut transféré à la prison d’Amboise dans la nuit du 18 au 19 Octobre 1793 par le gendarme BAZIRE avec 34 autres prisonniers [15]. On craignait alors une nouvelle attaque des Vendéens, « alarme d’autant plus fondées qu’il n’y avait pas de troupe pour défendre la ville » [16]. Je ne sais pas si sa jeunesse lui permit de mieux résister aux conditions de détention que son oncle, mais il ressortit vivant de sa cellule à la fin de la Terreur [17].

Acte de décès de Claude Louis Charles PAULMIER du 01 Janvier 1794 (source : BMS de Doué la Fontaine - ADML)
Acte de décès de Claude Louis Charles PAULMIER du 01 Janvier 1794 (source : BMS de Doué la Fontaine - ADML)

Je ne sais pas si le deuxième Bataillon [18] auquel Pierre Claude était rattaché, fut relevé en Juin 1793. Lorsque les Vendéens marchèrent sur Angers le 18 Juin, « La Garde nationale d’Angers, dont les chefs [avaient - ndla] ...abandonné la ville avec l’administration et les officiers municipaux, [n'avaient pas - ndla] ... fui dans son ensemble ; et elle ne réagit pas à l’arrivée des insurgés… » [19]. Pierre Claude était-il de garde en ville ? Si oui, je ne pense pas qu'il ait cherché pour autant à porter « la cocarde blanche ». D'ailleurs, pendant leur court séjour, les Vendéens ne cherchèrent pas à inquiéter ceux des Gardes nationaux, dont les convictions révolutionnaires étaient plutôt tièdes. Si Pierre Claude s’était trouvé de l'ardeur à combattre les bandes de Brigands en Mars 1793, c'était avant tout parce qu'il s'exaltait, disait sa sœur, pour les choses nouvelles. Cette semaine là, Pierre Claude dut se contenter d'assurer son service et peut-être eut-il la joie d'embrasser son oncle avant qu'il ne soit remis en prison ? A partir de cette hypothèse, comment expliquer alors que Pierre Claude soit mort dans les rangs de l’Armée catholique et royale à Granville ?


La Convention vota

« L’anéantissement de la Vendée »

 

Malgré un certain nombre de recherches aux Archives du Maine-et-Loire, je n’ai pas retrouvé d’éléments permettant de dater le revirement de Pierre Claude. Je n'ai pu faire que des hypothèses et des suppositions sur ce qui fut sans nul doute, considéré par les Bleus, comme une trahison de sa part.

La Roche de Mûrs, gravure de Thomas Drake, 1856 (source : Wikipedia)
Les combats au Sud des Ponts-de-Cé : la Roche de Mûrs, gravure de Thomas Drake, 1856 (source : Wikipedia)

Le 26 Juillet, une partie seulement de la Garde nationale angevine fut mobilisé et se trouvait dans le faubourg Bressigny d’Angers, à l’issue des combats au Sud des Ponts-de-Cé. 300 hommes de la Garde angevine se contentèrent de protéger les fuyards républicains, se repliant après une nouvelle défaite. Mais les Vendéens ne profitèrent pas de leur avantage et retournèrent sur la rive gauche de la Loire. Il est donc peu probable que Pierre Claude, s'il était mobilisé ce jour-là, ait pu être fait prisonnier ou qu’il ait déserté. En Août, les combats cessèrent pratiquement. Les paysans vendéens se consacrèrent à leurs travaux agricoles, notamment aux moissons.

Pendant ce temps, lassée de ses échecs, la Convention vota « l’anéantissement de la Vendée » [20] . Le 23 Août, elle décréta la réquisition de tous les Français, de 16 à 60 ans, pour le service des Armées. Et elle envoya par diligences prises aux émigrés, l’armée de Mayence, « la meilleure armée d’Europe » aguerrie et commandée par Jean Baptiste KLEBER, pour épauler les Volontaires déjà présents dans le Maine-et-Loire et la Loire Atlantique. Dès le 7 Septembre, les Républicains reprirent aux Vendéens les Roches de Murs et d’Erigné. Ces barrières surplombant la rivière du Louet, constituaient un verrou vers le Choletais. La rivière du Layon plus au Sud, devint alors la nouvelle ligne de démarcation.

Dans le Maine et Loire, la nouvelle levée en masse décrétée par la Convention fut effective le 12 Septembre. Les trois bataillons de la Garde nationale angevine furent alors rattachés aux troupes que le Général Charles François DUHOUX devait mener vers Cholet. J'ai supposé que Pierre Claude en faisait partie. Sa route l’amena alors à franchir la rivière du Layon à Beaulieu, où se trouvait la maison de sa mère.


Le point de bascule pour Pierre Claude PAULMIER


Extrait du rapport de Louis Pierre Choudieu du Plessis,  juge de paix de Thouarcé et membre de la commission à la suite de l'armée (source : AD 49, 94 L)
Extrait du rapport de Louis Pierre Choudieu du Plessis, juge de paix de Thouarcé et membre de la commission à la suite de l'armée (source : AD 49, 94 L)

Contrairement à ce que je pensais et avais écrit dans mon article sur Marie BARABE, victime de la Terreur, ce n’est pas en Janvier 1794 que sa maison fut incendiée par les Bleus, mais dans la nuit du 16 au 17 Septembre 1793, « dès l’arrivée de l’armée à Beaulieu » du Général DUHOUX. « Les autres [propriétés ne furent – ndla] ... épargnés que par l’intervention des commissaires du département » [21], notamment de Louis Pierre CHOUDIEU du PLESSIS [22], membre de la Commission à la suite de l’Armée.

Pourtant, les Vendéens angevins qui administraient le bourg depuis Juin, s’étaient repliés derrière le Layon, à quelques kilomètres au Sud dans l’attente de renforts. Il n’y eut pas de combat à Beaulieu le 16 septembre. Mais les Volontaires républicains qui étaient à l'avant garde de l'armée de DUHOUX, commencèrent à piller et à commettre toutes sortes d’exactions dans les villages et hameaux abandonnés par les rebelles. Le Général DUHOUX, arrivé le 17; s'installa avec son état-major dans Beaulieu [23]. Il feignit de ne rien voir.

Mouvements vendéens du 19 Septembre 1793 autour de Cholet (source : Wikipedia)
Mouvements vendéens du 19 Septembre 1793 autour de Cholet - Victoires du Pont-Barré et de Torfou (source : Wikipedia)

Je pense que les évènements qui se déroulèrent à Beaulieu et aux alentours, constituèrent le point de bascule pour Pierre Claude. Dès le 19 Septembre, les Vendéens qui avaient trouvé des renforts venus de Coron, reprirent du terrain. en profitant d’une pagaille chez les Bleus, sans doute entretenue par le Général DUHOUX [24], Les rebelles furent sans doute galvanisés par ce qu’il découvrait dans les hameaux martyrisés. Ils remportèrent la bataille dite du Pont-Barré. Près de 1 300 Bleus mal entraînés y perdirent la vie. Ils furent enterrés dans des fosses près de Beaulieu.


Vieux Pont-Barré sur le Layon (source : Wikipedia)
Vieux Pont-Barré sur le Layon (source : Wikipedia)
Stèle des fosses Cadeau (Cady) à Beaulieu sur Layon (source : Archive personnelle)
Stèle des fosses Cadeau (Cady) à Beaulieu sur Layon (source : Archive personnelle)

Pierre Claude a pu être fait prisonnier par les Blancs ce jour-là et choisir entre une exécution sommaire ou combattre avec eux. Il est aussi possible que l’incendie de la maison de sa mère [25] et l’écho des atrocités qu’on commettait dans son « pays », le poussèrent à déserter à partir du 17 Septembre. J’ai alors imaginé que Pierre Claude, connaissant le terrain, avait rejoint les rebelles insurgés de Beaulieu. Leur chef était François Nicolas TESSIER, dit DESMOINERIES, un cousin de Marie BARABE. Son grand-oncle mais aussi voisin à Beaulieu n’eut pas de mal à lui trouver une « cocarde blanche ».

A partir de là, leurs destins furent liés [26]. En effet, un mois plus tard, le 17 Octobre 1793, un mauvais choix tactique des Blancs face au Général KLEBER, devait les entraîner dans une lourde défaite à Cholet. Après de sanglants combats, les Vendéens durent se replier vers la Loire. La peur des Bleus conduisit des milliers de soldats, mais aussi de femmes, d'enfants et de vieillards sur la plage de Saint-Florent-le-Vieil. Là, dans une terrible confusion, le 18 octobre 1793, les débris de l'Armée Catholique et Royale entamèrent la désastreuse « Virée de Galerne », espérant trouver un appui de la Bretagne et du Maine. Pierre Claude PAULMIER et François Nicolas DESMOINERIES furent emportés par ce souffle [27] jusqu'à Granville où la mort les attendait.

Le Général Lescure blessé, passe la Loire à Saint-Florent,  peinture de Jules Girardet, 1882. (source : Musée Birkenhead)
Le Général Lescure blessé, passe la Loire à Saint-Florent, peinture de Jules Girardet, 1882. (source : Musée Birkenhead)

Une épitaphe tardive


Un peu avant la mi-Novembre 1793, Granville se prépare à recevoir l'assaut de l’Armée catholique et royale venu de Dol de Bretagne. Après avoir parcouru toute la Mayenne, les Vendéens espéraient recevoir dans le port normand des secours de l’Angleterre. Les Républicains alignent une garnison disparate de 5 535 hommes dont 3 183 seulement sont armés. Le Représentant du peuple, Jean Baptiste LECARPENTIER, rapporte : « Devant les remparts, 30 000 assaillants poussent des clameurs effrayantes et majestueuses et déferlent au milieu des hurlements de douleur ou de défi, des explosions, de la fusillade et des râles des blessés. Pendant vingt-huit heures, les 14 et 15 novembre 1793, sous la mitraille et les boulets, les affrontements sont terrifiants ». Devant cette menace, les défendeurs choisissent de sacrifier les faubourgs qui sont incendiés. Le feu se propage rapidement et risque d'embraser toute la ville. Les Vendéens apprennent que les Anglais ne sont pas au rendez-vous. Démoralisés, fatigués, affamés, malades et mais aussi harcelés par d’autres troupes venant de Bretagne et du Maine, les Vendéens se retirent. Des Volontaires normands peuvent sortir de la ville et faire un carnage… LECARPENTIER, dans son rapport à la Convention déplore la perte de 150 hommes : « chacun en a coûté plus de dix à l’ennemi »

Carte de la Virée de Galerne en 1793 (source : Wikipedia)
Carte de la « Virée de Galerne » en 1793 (source : Wikipedia)
Extrait de la Généalogie de Marie Emilie JOUBERT de 1898 (source : Archive personnelle)
Extrait de la Généalogie de Marie Emilie JOUBERT de 1898 (source : Archive personnelle)

La Généalogie paternelle de mon arrière-grand-mère, Marie Emilie JOUBERT mentionne Pierre Claude, comme ayant été « […], tué par un boulet de canon au siège de Granville le 15 Novembre 1793 ». C’est le seul document, dont je suis dépositaire, datant de 1898, qui atteste du sort funeste de notre lointain cousin. Ces quatre lignes apparaissent comme une épitaphe tardive, rappelant que Pierre Claude n’eut pas droit à une pierre tombale. La mémoire familiale a toujours affirmé qu’il repose dans une fosse commune parmi les 1 500 Vendéens morts au cours de ce siège. De toute façon, il est peu probable qu’il combattait ce jour-là du côté des « Bleus ». Car les 150 volontaires républicains morts ce jour-là, faisaient tous partie de la Garde de la Manche. Il n'y avait apparemment pas de volontaires venus d'autres départements. Et Pierre Claude ne fit jamais partie des gardes nationaux angevins qu'on appela les Volontaires d'Anjou. Ces hommes, comme CHOUDIEU, étaient prêts à combattre aux frontières ou au secours d'autres départements, pour la défense de la Patrie au cri de la « Liberté ou la mort ». La seule chose que je puisse affirmer sur mon lointain cousin, c'est que Pierre Claude était tout sauf un de ces « zélateurs de la Liberté » [28], 

Extrait de la liste des 638 Volontaires d'Anjou du 21 Juin 1791 ( source : Archives patrimoniales d'Angers)
Extrait de la liste des 638 Volontaires d'Anjou du 21 Juin 1791 ( source : Archives patrimoniales d'Angers)

Notes de fin


[1]  Je n’ai pas retrouvé l’ acte de décès de l’épouse de Marie Jeanne Thérèse Mélanie BRUNEAU de MOLANCE. Elle était décédée le jour du mariage de son fils Charles René en Novembre 1795. Mais était ce déjà le cas au moment de l’arrestation de son mari ? Peut-être avait-elle des motifs de se cacher ou était-elle en prison ? En tout cas, c’est bien sa sœur « fille majeure » qui s’inquiéta du sort des détenus.


[2] Extrait de « L’abbé GRUGET, curé de La Trinité d’Angers » tiré de La Revue de l’Anjou page 329.


[3] qui avait été élu le 21 Décembre 1792.


[4] Ces « représentants du peuple » avaient été dépêchés par le Comité du salut public dans les départements avec des pouvoirs illimités.


[5] En Mars, l’Assemblée législative l’avait déjà envoyé en mission dans le département, afin d’accélérer la levée en masse.


[6] Le concept de Fédéralisme était devenu contre révolutionnaire, dans la mesure où la Convention nationale avait déclaré le 24 Juin 1793 la République française « une et indivisible ».


[7] Le 15 Avril 1794.


[8] Encore appelé rue du Silence. Cette rue jouxtait le couvent des Carmélites.


[9] Récit extrait de l’Anjou Historique 1915-11 d’après côte L 952 desArchives Départementales du Maine-et-Loire


[10] Au XVIIIème siècle, on pouvait « receler un larron, un meurtrier » d’après le Dictionnaire de l’Académie française de 1776. Le terme ne désigne plus aujourd’hui que les choses.


[11] Extrait de l’Anjou Historique de Janvier 1937 : Angers au mois de Juin 1793 : trois municipalités en un mois.


[12] Ce Comité provisoire ne fut pas reconnu par les administrateurs du département.


[13] René MENARD en faisait partie mais il réussit à s’échapper en chemin (AH 1915 – 11)


[14] Lorsque les aléas des batailles ramenèrent les débris de l'Armée catholique et royale aux portes d'Angers le 3 Décembre 1793.


[15] Archives du Maine et Loire, série L 1112 et 1120.


[16] Anjou Historique VIII, p 356.


[17] René Charles PAULMIER se maria en 1795, eut des enfants et devint Adjoint à la Mairie d’Angers. Il s’éteignit en 1828.


[18] Avec le N° 1256, Pierre Claude devait appartenir à la 10ème Compagnie de la Deuxième Légion (Batailon) de la Milice nationale angevine devenue Garde nationale.


[19] Extrait de « La guerre de Vendée en  pays angevin -une mémoire interdite » de Philippe Candé page 142.


[20] La Convention vote le 1 er août 1793 un premier décret dit d'anéantissement de la Vendée qui prévoit l'exécution des hommes « pris les armes à la main » mais surtout la déportation des femmes, des enfants et des vieillards.


[21] Extrait de « La guerre de Vendée en  pays angevin -une mémoire interdite » de Philippe Candé page 200.


[22] Juge de paix à Thouarcé ; un homonyme de René Pierre CHOUDIEU, Représentant du peuple.


[23] Il est possible qu’il se soit alors installé à la Pinsonnière, actuelle propriété des JOUBERT et qui appartenait avant 1798 au Capitaine de la Garde nationale de Beaulieu, Jean Charles PINSON. De cette maison, dont le haut mur qui entoure la propriété constituait un ensemble facile à défendre, DUHOUX pouvait facilement voir ce qui se passait dans la vallée du Layon.


[24] Il semblerait que le Général DUHOUX ait trahi son propre camp, en pactisant avec son homonyme DUHOUX, Commandant les rebelles, avant de fuir. Cf « La guerre de Vendée en  pays angevin -une mémoire interdite » de Philippe Candé


[25] Je ne sais pas si l’incendie de sa maison précéda ou suivit son arrestation, mais de toute façon « la veuve Paulmier » tomba sûrement sous le couperet de la loi des suspects promulgué dès le 17 septembre 1793. Il est donc vraisemblable qu’elle fut incarcérée dès la fin de l’été 1793. Elle sera emprisonnée à Angers à l’abbaye du Calvaire transformé en prison pour femmes. Elle y décèdera le 19 Février 1794.


[26] François TESSIER, dit DESMOINERIES, disparut également pendant la « virée de Galerne ». On estime que sur 80 000 personnes ayant franchi la Loire, seules 8 000 revirent la Vendée.


[27] La Galerne est le nom d'un vent qui souffle dans tous les sens.


[28] Zélateur : partisan, défenseur ardent d'une cause ou d'une personne.



1 Comment


Philippe ALEXANDRE
il y a 7 jours

Toujours aussi passionnant ! D’une grande richesse, on marche dans les pas de cet aïeul en partageant à la fois le questionnement de l’auteur et la grande histoire de la révolution française ! Bravo

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